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Comment la Terre envoie de l’oxygène sur la Lune

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Photo prise lors de la mission lunaire Apollo-11. © NASA.

SI PROCHE et si lointaine à la fois. Telle est la Lune, immanquable quand elle se trouve dans le ciel nocturne et, pourtant, quasiment inaccessible à l’homme puisque seulement 12 représentants de l’espèce humaine y ont posé le pied entre 1969 et 1972, à l’occasion du programme spatial américain Apollo. Un peu plus de 384 000 kilomètres nous séparent en moyenne de notre satellite naturel et, si cela peut sembler beaucoup à l’aune des voyages auxquels nous sommes habitués, cette distance s’avère suffisamment faible pour permettre un jeu de relations entre la Terre et la Lune. La plus importante est évidemment gravitationnelle et son effet le plus connu tient dans le phénomène des marées (dans lequel la masse énorme du Soleil, plus lointain, joue aussi). On sait d’ailleurs probablement moins que les marées ne concernent pas que les grosses masses d’eau mais aussi la croûte terrestre. Enfin, même si un débat subsiste à ce sujet, nombre d’astronomes estiment que la Lune a aussi une influence stabilisatrice sur l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre et, par voie de conséquence, sur les climats de notre planète.

Il existe toutefois des échanges plus directs, plus matériels, entre les deux astres. Si l’on met de côté les objets que les astronautes du programme Apollo ont laissés sur la Lune ainsi que les quintaux de cailloux qu’ils y ont ramassés (sans oublier les petits échantillons rapportés par les missions soviétiques Luna), on trouve aussi de temps en temps sur Terre des météorites lunaires. Des cailloux qui ont été arrachés à la Lune lors de l’impact d’un astéroïde et qui ont voyagé dans l’espace jusqu’à nous.

Comme le montre une étude japonaise publiée ce lundi 30 janvier par la revue Nature Astronomy, le transfert de matière peut aussi se faire dans l’autre sens, de la Terre vers la Lune. Ces chercheurs se sont plongés dans les données récoltées en 2008 par la sonde nippone Selene, qui passa toute l’année en orbite autour de notre satellite (à 100 km d’altitude). Doté de nombreux instruments scientifiques, l’engin avait pour principale mission d’étudier l’origine et la géomorphologie de la Lune et d’en analyser la surface. Selene accompagnait donc notre satellite dans sa révolution quasiment mensuelle autour de la Terre. Au cours de ce tour dans l’espace, la Lune est exposée à ce que les astronomes appellent le vent solaire, un flux d’électrons et d’ions (des atomes électriquement chargés) envoyé par notre étoile, sauf quand elle entre dans la magnétosphère, le bouclier engendré par le champ magnétique terrestre, qui dévie le vent solaire.

Quand dans l’espace souffle le vent terrestre

Or, lors de ces périodes de « répit », Selene recevait quand même (et par conséquent la Lune avec elle) un flux d’ions . Les chercheurs ayant exclu qu’il provienne de notre étoile – d’autant qu’en 2008 l’activité du Soleil se trouvait à son minimum –, il ne restait plus qu’une seule source possible : la Terre. D’où provenait ce vent terrestre ? Pour répondre à la question, il faut se transporter dans l’ionosphère, la couche supérieure de l’atmosphère entourant notre planète. Là, les rayons ultraviolets issus du Soleil cassent les molécules et arrachent des électrons aux atomes qui se retrouvent ainsi ionisés, électriquement chargés. Cela leur permet d’être accélérés, d’échapper à l’atmosphère et de se retrouver dans l’espace, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous.

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Sur ce schéma (pas du tout à l’échelle), on voit que la Lune peut se retrouver à l’intérieur de la magnétosphère (lignes bleues) et « arrosée » par le flux d’ions oxygène émanant de la Terre. © Université d’Osaka/NASA.

Comme l’oxygène est un composant important de l’atmosphère terrestre, les chercheurs se sont donc aperçus que la part des ions oxygène dans le flux détecté par Selene n’était pas négligeable. Ce qui leur fait écrire : « Une conséquence de cette découverte est que la totalité de la surface lunaire peut être contaminée avec de l’oxygène terrestre biosynthétique, qui a été produit par photosynthèse pendant quelques milliards d’années. » Les auteurs de l’étude estiment ainsi qu’au cours des derniers 2,4 milliards d’années – c’est-à-dire depuis que la part de l’oxygène produit par les organismes vivants s’est mise à augmenter dans l’atmosphère –, environ 4 milliards de milliards de milliards de milliards d’ions oxygène se sont déposés sur le régolithe, ont été emmagasinés dans cette poussière qui recouvre la Lune.

Pourquoi se focaliser sur l’oxygène, me direz-vous ? Parce que, comme cet élément, sur Terre, témoigne de l’activité du vivant, on peut imaginer, dit l’article de Nature Astronomy, que des informations sur l’ancienne atmosphère de notre planète et, partant, sur la vie qu’elle hébergeait, sont préservées… à la surface des sols lunaires. L’hypothèse est jolie. Cependant, concluent les chercheurs nippons, si l’on veut se montrer un tantinet réaliste, il sera très difficile et pour ne pas dire impossible, même en rapportant de nouveaux échantillons lunaires, de faire la différence entre ce que le vieux vent terrestre a laissé sur notre satellite et ce que le vent solaire (qui contient aussi des ions oxygène) y a déposé : il n’existe en effet pas de méthode pour dater l’époque à laquelle les ions ont atteint la surface de la Lune. Reste simplement le plaisir poétique d’imaginer cet ensemencement d’un astre mort par de l’oxygène libéré par la vie…

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

Lire aussi : Un nouveau scénario pour la formation de la Lune


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